Cet article est extrait du mensuel n°885 de Sciences et Avenir-La Recherche, daté novembre 2020.
Gare aux déluges ! La tempête Alex qui a ravagé l'arrière-pays niçois en octobre est un nouvel avertissement sur ce qui attend le sud de la France si la température mondiale terrestre continue à grimper. Les simulations climatiques régionales envisagent jusqu'à 20 % d'intensité en plus pour les "épisodes méditerranéens" de ce type à chaque degré de réchauffement supplémentaire. Un chiffre qui devrait être validé, grâce à des modèles affinés, dans l'un des prochains rapports spéciaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (Giec) à paraître en juillet 2021.
"Plusieurs records absolus ont été battus"
"Les cumuls de précipitations observés ont été tout à fait exceptionnels. Plusieurs records absolus ont été battus, commente Véronique Ducrocq, de Météo France. Ce sont des intensités de pluie qui ne se produisent normalement qu'une fois par siècle. Et c'est la deuxième fois cette année que l'on atteint un tel cumul de plus de 500 mm sur l'arc méditerranéen, après l'épisode du 19 septembre dans le Gard." Désormais, il ne faut plus se demander si de tels "épisodes cévenols" vont se répéter mais comment prévenir leurs dégâts… car plus l'eau se réchauffe, plus l'air est chaud et plus la pluie tombe dru. Les précipitations ne peuvent plus s'écouler en raison de l'imperméabilisation des sols et de l'urbanisation.
L'été dernier, le ministère de la Transition écologique a élaboré un plan pour 15 départements menacés : en France, un habitant sur quatre et un emploi sur trois sont concernés. Comment lutter ? En tournant nos regards vers l'étranger : après les Pays-Bas, la Chine a lancé le concept de "villes éponges", prenant en compte le risque dès la construction de nouveaux quartiers avec toitures végétalisées, matériaux mous, bétons poreux, lacs et parcs urbains permettant de capter et stocker l'eau en cas de crue. "Le temps pour nous adapter se réduit", prévient la climatologue Valérie Masson-Delmotte (lire l'interview ci-dessous). En France, le Sud est la région la plus vulnérable, menacée par ailleurs de sécheresse aggravée et de mégafeux du type de ceux qui embrasent la Californie ou l'Australie chaque année ou encore de submersion marine. Sans parler de la prolifération du moustique-tigre… mais globalement c'est tout le rendement agricole de l'Hexagone qui pourrait souffrir.
Cet article est extrait du mensuel n°885 de Sciences et Avenir-La Recherche, daté novembre 2020.
Gare aux déluges ! La tempête Alex qui a ravagé l'arrière-pays niçois en octobre est un nouvel avertissement sur ce qui attend le sud de la France si la température mondiale terrestre continue à grimper. Les simulations climatiques régionales envisagent jusqu'à 20 % d'intensité en plus pour les "épisodes méditerranéens" de ce type à chaque degré de réchauffement supplémentaire. Un chiffre qui devrait être validé, grâce à des modèles affinés, dans l'un des prochains rapports spéciaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (Giec) à paraître en juillet 2021.
"Plusieurs records absolus ont été battus"
"Les cumuls de précipitations observés ont été tout à fait exceptionnels. Plusieurs records absolus ont été battus, commente Véronique Ducrocq, de Météo France. Ce sont des intensités de pluie qui ne se produisent normalement qu'une fois par siècle. Et c'est la deuxième fois cette année que l'on atteint un tel cumul de plus de 500 mm sur l'arc méditerranéen, après l'épisode du 19 septembre dans le Gard." Désormais, il ne faut plus se demander si de tels "épisodes cévenols" vont se répéter mais comment prévenir leurs dégâts… car plus l'eau se réchauffe, plus l'air est chaud et plus la pluie tombe dru. Les précipitations ne peuvent plus s'écouler en raison de l'imperméabilisation des sols et de l'urbanisation.
L'été dernier, le ministère de la Transition écologique a élaboré un plan pour 15 départements menacés : en France, un habitant sur quatre et un emploi sur trois sont concernés. Comment lutter ? En tournant nos regards vers l'étranger : après les Pays-Bas, la Chine a lancé le concept de "villes éponges", prenant en compte le risque dès la construction de nouveaux quartiers avec toitures végétalisées, matériaux mous, bétons poreux, lacs et parcs urbains permettant de capter et stocker l'eau en cas de crue. "Le temps pour nous adapter se réduit", prévient la climatologue Valérie Masson-Delmotte (lire l'interview ci-dessous). En France, le Sud est la région la plus vulnérable, menacée par ailleurs de sécheresse aggravée et de mégafeux du type de ceux qui embrasent la Californie ou l'Australie chaque année ou encore de submersion marine. Sans parler de la prolifération du moustique-tigre… mais globalement c'est tout le rendement agricole de l'Hexagone qui pourrait souffrir.
Les humains responsables à 100 % des gaz à effet de serre
Pour résumer l'urgence de la situation, rappelons que la température terrestre mondiale a augmenté de 1 °C depuis la révolution industrielle et que les émissions de gaz à effet de serre qui l'ont provoquée sont à 100 % dues aux humains, selon les constats scientifiques. On observe mondialement un recul des glaciers, une fonte accrue des sols gelés, une diminution de la capacité des forêts ou des océans à stocker le carbone, ainsi qu'une augmentation des vagues de chaleur, des pluies torrentielles, une montée des eaux. Les impacts sont déjà visibles sur tous les écosystèmes, en perte de biodiversité.
"La température mondiale augmente de 0,2 °C tous les dix ans. Une simple extrapolation montre qu'à ce rythme, nous atteindrons 1,5 °C supplémentaire entre 2030 et 2050", souligne Valérie Masson-Delmotte. L'enjeu est de ne pas dépasser les 2 °C : un point au-delà duquel s'enclencheront des phénomènes de rétroaction, qui ne feront qu'amplifier et aggraver les phénomènes. Et ce défi devra mobiliser les citoyens, comme les décideurs.
Valérie Masson-Delmotte, climatologue, membre du Haut-Conseil pour le climat et co-présidente du groupe n°1 du Giec : "Chaque demi-degré compte"
''Toute politique publique et ministérielle, tous les grands investissements, devraient subir un test de 'stress climatique'. Et si la Cop26 a été reportée à 2021, en raison du Covid-19, le travail du Giec* s'est poursuivi notamment sur les impacts : ceux des risques climatiques, comme ceux des différentes options pour les contrer. Un rapport spécial, prévu pour juillet 2021, analyse entre autres les défis aux échelles régionales : besoin de chauffage ou climatisation, rendement agricole, etc. Il sera complété par un atlas interactif. Malheureusement, les promesses, dans le monde comme en France, ne sont pas à la hauteur de l'ambition de l'accord de Paris sur le climat de décembre 2015, qui était de maintenir la hausse de température en dessous de 2 °C par rapport à la période industrielle. Pourtant, chaque demi-degré, chaque année, chaque recherche de solution, chaque choix politique comptent ! Surtout vis-à-vis des régions littorales ou des pays les plus vulnérables qui ont peu contribué au problème mais sont en première ligne. Attention : tous les écosystèmes, toutes les activités humaines sont déjà affectés et le seront plus encore demain, si la température terrestre mondiale grimpe. On perçoit mieux la fragilité des terres émergées, qui feront face à des risques majeurs (feux, érosion des sols, etc.), menaçant notre sécurité alimentaire. Plus le réchauffement augmente, plus on a besoin de s'adapter ! Réduire les émissions de CO2, ou celles de méthane maintenant permettrait une action à plus long terme. Plus on tarde à agir, plus la marge manœuvre des jeunes générations sera réduite. Face à l'ampleur des changements nécessaires et à l'inertie de nos structures, le Giec construit aussi des outils pour évaluer les différentes stratégies. Demain, les décideurs, les politiques, les administrations auront toute l'information disponible pour apprécier les leviers disponibles (finance, gouvernance, etc.) ainsi que les conséquences de leurs choix à long terme."
* Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
Quentin Perrier, chercheur fiscalité et budget climat à l'Institut de l'économie pour le climat : "En France, 30 milliards d'euros pour l'écologie"
''Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance annoncé par le Premier ministre Jean Castex, nous avons identifié 30 milliards favorables à l'environnement, dont une vingtaine pour le climat. Ce sont des montants additionnels par rapport aux budgets précédents - c'est en tout cas ce que le gouvernement a indiqué -, qui seront utilisés sur la période 2021-2022. C'est un bon début mais il ne faudra pas relâcher les efforts ! Globalement, les sommes annoncées sont en ligne avec les besoins de financement que mes collègues et moi avons estimés, au regard de la stratégie nationale de réduction des émissions de CO2. Dans certains domaines, elles sont même plus ambitieuses : la rénovation thermique des bâtiments publics (6 milliards) ; le ferroviaire, où la somme promise (4,7 milliards) va permettre de réaliser des investissements lourds (régénération du réseau…) ; le vélo, où les 150 millions d'euros annoncés serviront, notamment, à amplifier l'aménagement de pistes cyclables. Restent des points de vigilance, comme le secteur de la rénovation privée des bâtiments. Le montant (2,5 milliards) pourrait convenir s'il est envisagé dans une logique de structuration de la filière et s'il continue de croître par la suite, mais rien n'indique que ce sera le cas. De manière générale, la pérennisation - et même l'amplification - de l'effort budgétaire au-delà de 2022 reste un enjeu crucial : le climat a besoin d'une action dans la durée. Il y a aussi la question des véhicules. Ces dernières années, le gouvernement a misé sur la prime à la conversion, qui a “boosté” l'essor du véhicule électrique - une bonne chose - mais aussi celui de véhicules thermiques très carbonés ( jusqu'à 109 grammes de CO2 par kilomètre, alors que le seuil généralement retenu pour un véhicule bas carbone est 50 g de CO2/km). Or le plan de relance n'a pas fait évoluer les barèmes pour exclure ces véhicules très polluants… Enfin, il y a l'hydrogène (2 milliards d'euros en 2021-2022 puis 7 milliards d'ici à 2030). Cette technologie pourrait jouer un rôle important dans la décarbonation des économies. Cependant, elle n'est pas encore mature et n'a pas fait la preuve de sa rentabilité économique. On peut donc s'interroger sur le fait d'investir de tels montants à très court terme".
Propos recueillis par Vincent Glavieux