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Mers et océans

Tara explore les microbiomes océaniques face au changement climatique

La goélette Tara et les nombreux scientifiques impliqués sont partis le 12 décembre 2020 pour une nouvelle mission à destination des côtes chiliennes et de l’Atlantique sud. Jusqu'en 2022, ses équipes ausculteront les réactions des microbiomes, ces ensembles complexes composés d’une multitude de micro-organismes impliqués dans la production d’oxygène ou la pompe à carbone, face au réchauffement de la planète.

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Tara met les voiles vers une nouvelle expédition.

Tara met les voiles vers une nouvelle expédition.

Crédit Sacha Bollet Expédition Tara

MISE A JOUR. La nouvelle mission Tara est partie comme prévu le 12 décembre. A cette occasion, nous vous proposons de retrouver l'article que nous lui avions consacré, initialement publié en ligne le 9 décembre 2020.

On s’active sur le ponton de la Cité de la voile à Lorient. L’équipage de la goélette Tara est en plein préparatifs de départ. Le 12 décembre 2020, elle largue les amarres pour une nouvelle mission de recherche sur le thème des microbiomes. “Cette mission s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait précédemment, indique Romain Troublé, le directeur général de la Fondation Tara. La mission 'Tara Oceans' a révélé plus de 150 millions de gènes planctoniques et 95 % des virus marins connus. 'Tara Méditerranée' et 'Tara Microplastiques' ont mis en lumière les conséquences dramatiques de la pollution plastique en mer et son origine. Les 50.000 échantillons récoltés lors de 'Tara Pacific' permettent aujourd’hui de décrypter l’impact du changement climatique sur les récifs coralliens". (Lire l'entretien de La Recherche avec le biologiste Eric Karsenti sur Tara Océans).

4 étapes clés pendant le voyage de Tara

La mission “Microbiomes”, qui doit durer 21 mois, va mobiliser 80 chercheurs qui se succéderont à bord du voilier et plus de 200 scientifiques à terre. Son spectre est bien plus large que lors des missions précédentes. “Nous allons aborder l’écosystème océanique comme un tout, souligne Colomban de Vargas, co-directeur scientifique de la mission Microbiomes et chercheur CNRS à la station biologique de Roscoff. Micro-organismes, virus, paramètres physico-chimiques comme la température ou l’acidité, nutriments, polluants… Nous allons explorer les complexes mécanismes qui favorisent la production d’oxygène via la photosynthèse des micro-algues et des cyanobactéries, la captation du carbone par ces mêmes organismes, les interactions avec les grands cycles biogéochimiques de l’océan, tels que les cycles du fer, d’azote... Et enfin la production de matière organique à la base de toute la chaîne alimentaire marine.”



Crédit Expédition Tara.

Pour cette mission, la goélette longera les côtes chiliennes, du sud au nord, à partir de l’été 2021, puis après avoir franchi le canal de Panama, elle fera le tour des côtes de l’Atlantique sud. Le périple comprend quatre étapes clés : le Chili notamment pour comprendre la fertilisation de l’océan via l’eau issue des glaciers andins, l’Amazone qui délivre un immense panache chargé de nutriments et de polluants, la mer de Weddell, très riche en micro-organismes pourvoyeurs d’oxygène, et les côtes africaines.

L'influence de 5 grands fleuves africains

C’est la première fois que Tara sillonnera les côtes de l’Afrique centrale et occidentale. Les équipes s’intéressent à l’influence de cinq grands fleuves, comme le Congo ou le Niger en termes de nutriments mais aussi de microplastiques. Afin de déterminer comment le microbiome se comporte dans un environnement changeant, les équipes de Tara multiplieront les prélèvements dans des milieux variés ou le long de phénomènes localisés : zones pauvres en oxygène, remontées de nutriments, gradients de température... "Le microbiome est très sensible aux variations de son milieu de vie, qu’il s’agisse d’introduction de polluants ou de variations de la température de l’eau", décrit Daniele Iudicone, co-directeur scientifique de la mission et chercheur à la Station Zoologique de Naples.

Les micro-organismes seront collectés grâce à des filets de différentes tailles de maille immergés jusqu’à 1000 mètres de profondeur ainsi que via les bouteilles Niskin de la rosette, comme lors des précédentes missions de la goëlette. Mise à l’eau depuis le pont arrière du voilier, cette structure d’aluminium de 250 kilos s’enfonce verticalement dans la colonne d’eau et prélève jusqu’à dix échantillons par plongée, chacune des dix bouteilles pouvant se refermer à une profondeur donnée. La rosette mesure également en continu de nombreux paramètres physico-chimiques : pression, température, conductivité de l’eau, taux d’oxygène, etc.



La rosette de prélèvement des micro-organismes marins. Crédit Marin Le Roux/ polaRyse/ Expédition Tara

Un filet spécial, le Manta

"D’autres éléments seront également mesurés à partir de la surface, comme la quantité de lumière, les caractéristiques des courants ou encore la présence d’éléments nutritifs présents en faibles quantités dans l’environnement mais particulièrement importants pour la vie marine, comme le fer ou le cobalt", précise Daniele Iudicone. Enfin, les microplastiques et les micro-organismes qui leurs sont associés seront collectés à la surface via un filet spécifique, le Manta, ainsi que dans les airs par des capteurs perchés à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Une fois tous ses prélèvements réalisés, les analyses seront effectuées par les équipes partenaires à terre. Comme pour les précédentes grandes expéditions de la Fondation Tara Océan, cette lourde tâche reviendra au Génoscope, centre national de séquençage situé à Évry.

"Nous prenons en charge le traitement, le séquençage et les premières analyses bio-informatiques, selon des protocoles désormais bien rodés depuis plus de dix ans", rappelle Patrick Wincker, le directeur du Genoscope/CEA. Impossible bien sûr d’étudier séparément chaque organisme collecté dans chaque échantillon – issu d’une bouteille de la rosette, d’un trait de filet à plancton ou d’une "pêche aux microplastiques". Le séquençage se fait sur la totalité d’un échantillon, permettant d’obtenir des informations sur la communauté microbienne dans son ensemble : quels organismes sont présents, quels gènes possèdent-ils, quelles protéines produisent-ils, etc.

"Par rapport à la mission Tara Océans qui avait permis de collecter du plancton sur tous les océans du globe, nous allons travailler sur des zones maritimes plus restreintes, mais avec plus d’échantillons", reprend le directeur du Genoscope. "Cela nous permettra de faire des analyses plus profondes, pour comprendre à une échelle beaucoup plus fine ce que font ces micro-organismes dans des situations particulières". Pour Daniele Iudicone, “les réponses apportées par cette mission devraient s’avérer particulièrement utiles pour améliorer les modèles de prévision climatique qui tentent d’évaluer l’évolution du climat à plus ou moins long terme”.

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