François Bouchet, chercheur CNRS à l’Institut d’astrophysique de Paris, a été l’un des physiciens à l’origine de la mission Planck, de l’Agence spatiale européenne (ESA), dont il a dirigé l’un des deux instruments. Ce satellite a pris la meilleure photo possible des premiers instants de l’Univers, il y a 13,8 milliards d’années. Ce cliché contient des informations précieuses pour comprendre l’Univers primordial, mais aussi l’Univers plus évolué, structuré en galaxies. La mission terminée, le cosmologiste revient sur ces longues années de recherche.
Alors, ça y est, la mission Planck est officiellement terminée…
Oui, la Covid-19 ne nous a pas encore permis de fêter l’événement comme il se doit, mais cette expérience s’achève par la publication de nos derniers articles dans Astronomy & Astrophysics, la revue qui a accueilli tous nos résultats. Sur le plan personnel, c’est vingt-huit ans de ma carrière qui s’achèvent. Cette mission avait été proposée en 1992, sélectionnée par l’ESA en 1996, pour un départ prévu en 2003-2004. Finalement, le satellite Planck a été lancé en mai 2009 et s’est arrêté en janvier 2012, une fois ses réserves épuisées.
Quel en était l’objectif ?
En 1992, le satellite COBE de la NASA avait publié une première carte du rayonnement fossile de l’Univers. C’est-à-dire la carte des températures de l’Univers 380 000 ans après le Big Bang, lorsque la lumière s’est détachée définitivement de la matière. Cette carte montre l’empreinte des fluctuations de densité qui donneront naissance aux grandes structures que nous connaissons, galaxies, amas de galaxies… Comme pour la découverte de Troie par l’archéologue Heinrich Schliemann, c’était une révélation. Mais tout restait à faire !
Qu’avez-vous découvert ?
Planck a d’abord permis d’ancrer solidement le modèle cosmologique et de préciser avec une marge d’erreur inférieure à 1 % la valeur de cinq des six paramètres de ce modèle, qui suffit à décrire les milliards de mesures collectées. Ces paramètres déterminent le contenu et la dynamique de l’Univers, ainsi que l’origine des structures. Il s’agit notamment de la densité de matière ordinaire, celle de la matière noire (cette substance de nature inconnue qui « tient » les galaxies), de l’énergie noire (une autre substance mystérieuse qui accélère l’expansion de l’Univers).
On sait ainsi que l’Univers est composé de 68 % d’énergie noire, de 27 % de matière noire, et le petit reste, 5 %, de matière ordinaire ! Ces paramètres donnent aussi le taux d’expansion de l’Univers – la célèbre constante de Hubble-Lemaître, l’âge de l’Univers (13,8 milliards d’années), l’âge du découplage matière-lumière ou celui où les premières étoiles se sont allumées (vers quelques centaines de millions d’années). Planck a aussi confirmé que l’Univers avait une géométrie spatiale plate. Enfin, et surtout, Planck a déterminé avec précision les caractéristiques des fluctuations primordiales qui ont été à l’origine de la marche vers la complexité qui s’est déployée jusqu’à ce jour.
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