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Moyen-Orient - Éclairage

Asie vs Europe : les différentes stratégies pour venir à bout du coronavirus

Plusieurs pays asiatiques ont réussi à endiguer l’épidémie, mais s’exposent à un retour de celle-ci depuis l’extérieur. Les pays européens sont aujourd’hui dépassés par son ampleur, mais misent sur une politique à plus long terme.


Des soldats venus désinfecter des buildings dans la ville de Daegu, en Corée du Sud. Kim Kyung-hoon/Reuters

Différents continents, différentes stratégies face au coronavirus. La Chine, d’où est partie l’épidémie en décembre dernier, ainsi que d’autres pays asiatiques ont opté pour des mesures drastiques qui leur ont permis de ralentir la progression du virus. Cette stratégie à court et moyen terme ne permettra pas toutefois d’éloigner le spectre d’un retour du Covid-19 sur son sol. Au Royaume-Uni et en France, les premiers cas de coronavirus sont apparus plus tard. Pris de court, les pays européens n’ont pas pu endiguer la crise et misent désormais sur le développement d’une immunité collective. Un pari risqué qui peut néanmoins permettre d’éviter, sur le long terme, l’arrivée d’une nouvelle vague du virus. Le point, pays par pays.


Chine
Depuis l’apparition du virus à Wuhan en décembre dernier, plus de 80 800 cas de contamination et 3 199 décès ont été répertoriés. Plus de 61 475 personnes sont aujourd’hui guéries. Mardi, à Wuhan, le président chinois Xi Jinping avait annoncé que « la propagation de l’épidémie est pratiquement jugulée ». Les autorités ont fait état hier de vingt nouveaux cas de contamination par le coronavirus, dont seize sont des cas importés. Malgré ces nouveaux cas recensés, la stratégie d’endiguement du virus adoptée par la Chine s’est avérée payante, comme l’a souligné l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 28 février dernier. « La Chine a certainement déployé l’effort d’endiguement d’une maladie le plus ambitieux, agile et offensif de l’histoire », constate l’OMS dans son rapport, après qu’une équipe d’une dizaine de scientifiques s’est déplacée sur site pour vérifier que l’épidémie avait bien été contenue dans le pays. Pour ce faire, la Chine a mis en place des mesures draconiennes, outre le dépistage systématique. « Les mesures strictes de confinement associées à des mesures systématiques de dépistage biologique des pays asiatiques présentent l’avantage d’être les plus efficaces pour ralentir le développement de la pandémie à l’échelle d’un pays », explique Jean-Marie Januel, docteur français en épidémiologie, santé publique et économie de la santé, à l’Université de Grenoble Alpes, contacté par L’Orient-Le Jour.


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Dès le 23 janvier, la ville de Wuhan (11 millions de personnes) a été placée en quarantaine, suivie par d’autres villes. Au total, plus de 60 millions de personnes ont été placées en quarantaine, et plus de 760 millions de Chinois se sont retrouvés en quasi-confinement, du jamais-vu durant l’histoire moderne. « Dans le cas du Covid-19, pour lequel il n’existe encore ni vaccin ni antiviral permettant sa prévention primaire et/ou son traitement, ces mesures d’isolement social sont les seules et les plus efficaces pour endiguer une telle pandémie à un échelon national. Le taux de réplication, facteur majeur dans la propagation du virus, est fondamentalement corrélé au taux de contact interindividus », explique Jean-Marie Januel.

À Wuhan, des armées de forces de l’ordre ont été déployées pour veiller à ce que les citoyens respectent le verrouillage, et des volontaires ont fait du porte-à-porte pour vérifier la température des résidents. Ceux qui avaient de la fièvre ont été envoyés dans des centres de quarantaine. Des centaines d’hôpitaux désignés pour gérer la crise ont affecté du personnel médical et constitué des groupes d’experts pour des consultations afin de minimiser la mortalité des patients sévèrement atteints. Avec des moyens financiers colossaux à sa disposition, le pays a également pu construire des hôpitaux gigantesques en moins de dix jours. Si la Chine a pu circonscrire l’épidémie sur son sol, le virus continue toutefois d’entrer de l’étranger. Les autorités chinoises ont décidé d’imposer une mesure de quarantaine de quatorze jours à toute personne revenant d’un pays étranger. Elles ont également mis sur pied un plan strict pour les urgences de santé publique dans les ports du pays et relancé le système de carte de déclaration sanitaire pour l’entrée et la sortie dans les/des villes, de même qu’un contrôle strict de la température corporelle des passagers à l’entrée et à la sortie. Chaque citoyen est notamment obligé de porter un masque en public. Les autorités ont traqué les personnes susceptibles d’être contaminées en mettant à profit leurs systèmes de surveillance de masse et leur technologie pour restreindre les mouvements de personnes. Une mesure qui suscite de nombreuses critiques dans les pays démocratiques.



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Corée du Sud
La Corée du Sud, Taïwan et Singapour ont eux aussi choisi d’opter pour une stratégie d’endiguement du Covid-19. La Corée du Sud, deuxième plus grand foyer de contamination après la Chine, a fait état hier de plus de personnes rétablies que de nouveaux cas pour le troisième jour de suite. Le Centre coréen de contrôle et de prévention des maladies (KCDC) a recensé hier 76 nouveaux cas confirmés de contamination au coronavirus, en baisse par rapport à la veille (107), portant le total à 8 162 personnes contaminées par le virus et 75 décès depuis son apparition. Séoul affirme s’appuyer sur les enseignements tirés de l’épidémie de coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2015 (qui avait fait 35 morts) et s’efforce de mettre autant d’informations que possible à la disposition du public. Dès l’apparition du nouveau Covid-19, le pays a rapidement mis en place des mesures importantes – mais moins contraignantes que son voisin chinois – en fermant des écoles et des bureaux, et a annulé les grands rassemblements. Les autorités sanitaires procèdent à un test systématique en cas de soupçon et repèrent les porteurs potentiels en utilisant une technologie de pointe. Depuis le 20 janvier, la Corée du Sud a ainsi testé environ 250 000 personnes, avec une capacité quotidienne de 20 000 personnes. C’est de loin le pays le plus efficace, si l’on rapporte ce chiffre à la population sud-coréenne qui est de 51 millions d’habitants. Tous les tests sont gratuits, et le pays a mis en place un vaste réseau de laboratoires ainsi que des « drive-in » permettant de se faire tester sans sortir de sa voiture. Les touristes provenant d’un pays à risque doivent également installer une application mobile permettant de s’autodiagnostiquer. Par ailleurs, une loi coréenne accorde à l’ensemble du gouvernement le pouvoir d’accéder aux données telles que les images CCTV, les données de suivi GPS des téléphones et des voitures, les transactions par carte de crédit, les informations d’entrée dans le pays et d’autres détails personnels des personnes confirmées comme ayant une maladie infectieuse. Les autorités peuvent alors rendre une partie de ces informations publique afin que toute personne ayant pu être exposée puisse se faire tester ou faire tester ses amis et les membres de sa famille. Les personnes trouvées positives sont placées en autoquarantaine et surveillées à distance via une application ou vérifiées régulièrement par des appels téléphoniques jusqu’à ce qu’un lit d’hôpital soit disponible. Cette stratégie suscite évidemment des interrogations quant à la protection de la vie privée.

Si la stratégie des pays asiatiques, comme la Chine et la Corée du Sud, a permis de contenir l’épidémie, ils n’en sont pas totalement débarrassés pour autant. Le virus peut en effet resurgir aussi brutalement qu’il est apparu, étant donné qu’une infime partie de la population de ces pays a été exposée à la maladie et que les restants ne sont donc pas immunisés.


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Royaume-Uni
Le Royaume-Uni a franchi samedi le cap du millier de personnes infectées par le coronavirus. Selon les chiffres officiels présentés hier, près de 1 372 personnes ont été testées positives contre 798 deux jours auparavant. Cependant, ces données pourraient s’avérer bien plus élevées, selon un haut responsable de santé britannique, qui a avancé cette semaine une fourchette allant de 5 000 à 10 000 personnes. À ce jour, on dénombre 35 décès officiels, dont près de la moitié concerne des personnes faisant partie de groupes à risque, âgées ou atteintes de pathologies sous-jacentes.

Cette propagation rapide du coronavirus incite les autorités britanniques à revoir la stratégie qu’elles ont adoptée jusque-là, soit celle de l’attentisme. Sourd aux appels à l’action, le gouvernement a officiellement justifié son inertie en invoquant la nécessité de développer « l’immunité collective » de la population tout en allégeant la pression sur les services de santé dans le pays. Pour le conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique, Patrick Vallace, il faudrait ainsi qu’environ 60 % de la population contracte le virus sur plusieurs mois afin de développer cette immunité et prévenir de nouvelles épidémies. Alors que l’Italie s’est pliée à une mise en quarantaine de grande ampleur, les conseillers du gouvernement britannique ont évoqué des craintes quant à l’imposition trop rapide de mesures radicales qui finiraient par lasser la population quand arriverait le pic de l’épidémie. Pour Londres, ce pic devrait être atteint autour de l’été. L’exécutif voudrait d’ici là amortir autant que faire se peut le choc pour le service public de santé, en manque chronique de moyens depuis des années. Preuve en est, les personnes ne présentant que des symptômes légers ont été invitées à ne consulter de médecins qu’en cas de détérioration de leur état, dans l’optique de concentrer toutes les forces sur les cas les plus graves. L’approche prisée par les Britanniques pourrait mettre en danger la vie d’une partie de la population. Avec un risque de mortalité estimée à 1 %, la propagation du virus à 60 % de la population conduirait à 400 000 morts. Un chiffre impressionnant qui pourrait même être revu à la hausse au vu du nombre de cas asymptomatiques qui rendent la prévention d’autant plus difficile.

Face à l’aggravation de l’épidémie, le Parlement britannique a toutefois adopté une législation d’urgence interdisant les grands rassemblements. Le gouvernement de son côté s’apprête à annoncer le confinement des personnes de plus de 70 ans jusqu’à 4 mois. Le pays compte également suivre ses voisins européens et fermer les écoles, restaurants et pubs, envisageant même la réquisition des cliniques et des hôtels pour soigner les patients.


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France
La France est entrée dans le stade 3 de l’épidémie de Covid-2019. À ce jour, le pays présente 4 500 cas de contamination, dont 91 décès. Face à l’urgence, les autorités ont durci les dispositifs en place. « La stratégie française a été, dans un premier temps, de ralentir par des mesures ciblées la propagation du virus au niveau des foyers épidémiques (clusters). Cette stratégie a permis de ralentir la propagation de l’épidémie tant que le nombre de personnes infectées était en deçà d’un certain seuil. À partir du moment où la propagation du virus s’est intensifiée (temps de doublement du nombre de cas infectés plus court), il est devenu nécessaire de renforcer les mesures locales en les généralisant au pays tout entier », résume Jean-Marie Januel. « Cette stratégie crescendo a permis de préparer le pays aux mesures plus drastiques pendant plusieurs semaines et à ne pas être trop agressives au regard d’un ralentissement majeur de l’activité économique », ajoute-t-il.

Les lieux publics non essentiels, tels que les restaurants, bars, cinémas et discothèques, ont été fermés dès le week-end dernier. Dans les prochains jours, l’accès aux transports publics pour les trajets longue distance sera réduit. Selon le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, plus de 300 patients sont dans un état grave et se trouvent en réanimation. Plus de la moitié d’entre eux ont moins de 60 ans, un chiffre alarmant qui remet en cause le présupposé selon lequel l’épidémie ne serait qu’une affaire de personnes âgées, donnant lieu parfois à une certaine insouciance des jeunes concernant les appels à la distanciation sociale. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a estimé hier que l’épidémie liée au Covid-19 pourrait « probablement » aller jusqu’à contaminer plus de la moitié de la population française.

À l’heure actuelle, la France semble privilégier la stratégie de l’immunité collective, moins par choix que parce qu’elle a trop tardé à mettre en œuvre des mesures d’endiguement de l’épidémie. Les pouvoirs publics concentrent désormais tous leurs efforts au ralentissement de la propagation du virus pour éviter l’engorgement des services d’urgence et une aggravation du bilan humain.

En Angleterre comme en France, le développement d’une immunité de groupe fait toutefois fi d’un élément de taille : la possibilité pour le virus de muter. À ce stade, le virus n’a cependant pas beaucoup évolué. Selon des chercheurs chinois, le Covid-19 a déjà donné naissance à une nouvelle souche, plus agressive. Mais dans la majorité des épidémies, les virus évoluent vers une dangerosité moindre et une plus grande diffusion dans le but de prospérer. Une fois la pandémie passée, le coronavirus pourrait par exemple se transformer en virus saisonnier comme la grippe.



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Différents continents, différentes stratégies face au coronavirus. La Chine, d’où est partie l’épidémie en décembre dernier, ainsi que d’autres pays asiatiques ont opté pour des mesures drastiques qui leur ont permis de ralentir la progression du virus. Cette stratégie à court et moyen terme ne permettra pas toutefois d’éloigner le spectre d’un retour du Covid-19 sur son sol....

commentaires (2)

La prévention chinoise reste la meilleure . Mettre tout un peuple en quarantaine . Bravo .

Antoine Sabbagha

10 h 38, le 16 mars 2020

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Commentaires (2)

  • La prévention chinoise reste la meilleure . Mettre tout un peuple en quarantaine . Bravo .

    Antoine Sabbagha

    10 h 38, le 16 mars 2020

  • La stratégie Asiatique est largement meilleure. Dans le cas d'un remède antivirals ou vaccin trouvé avant la seconde vague (avant 2021) alors l Asie aura gagné sont paris ! Et l'europe aurais sacrifié des dizaines de milliers de morts pour une immunité devenue inutile! Si pas de remède avant 2021 alors l Europe aura eu raison A voir....

    Aboumatta

    07 h 00, le 16 mars 2020

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