Recherche et innovation : le déclassement français. Avec André Choulika et Anne Perrot.

Scientifique à l'insectarium de l'Institut Pasteur (30.03.2017) ©AFP - PATRICK KOVARIK
Scientifique à l'insectarium de l'Institut Pasteur (30.03.2017) ©AFP - PATRICK KOVARIK
Scientifique à l'insectarium de l'Institut Pasteur (30.03.2017) ©AFP - PATRICK KOVARIK
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Pourquoi la France accuse-t-elle un retard en matière de politique industrielle de la santé ?

Avec
  • Anne Perrot Docteure en sciences économiques, inspectrice générale des finances (IGF), ancienne vice-présidente de l’Autorité de la concurrence, membre du Cercle des économistes
  • André Choulika Directeur général et cofondateur du Groupe Cellectis, membre du Conseil d’administration de l’Institut Pasteur

Les journaux de nos voisins espagnols ou anglais l’assurent : les Français seraient blessés dans leur amour propre. Les annonces du retard pris par Sanofi et de l’abandon d’un projet prometteur par l’Institut Pasteur dans le développement d’un vaccin contre le Covid-19, en effet, n’ont pas de quoi réjouir. Elles semblent bien être le symptôme d’une dégradation du système de recherche pharmaceutique français. 

La France est-elle malade d’un manque d’innovation ? Si oui, de quel côté regarder ? La réussite de l’écosystème du médicament tient à la bonne forme tant de la recherche académique que du tissu industriel. Et les carences semblent avoir plusieurs causes : lourdeur bureaucratique, financements trop maigres, logiques actionnariales contre-productives…

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André Choulika, directeur général et cofondateur du Groupe Cellectis, membre du Conseil d’administration de l’Institut Pasteur

Anne Perrot, économiste, inspectrice générale des finances (IGF), membre du CAE (Conseil d’Analyse Economique) co-auteure de la note pour le CAE Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français ?

Pasteur : un institut de recherche et non une industrie pharmaceutique

On a tendance à dramatiser les échecs de développement d'un vaccin ou d'un médicament, tandis que moi, au contraire, je suis extrêmement fier que l'Institut Pasteur ait été un des instituts de recherche qui a essayé de développer à partir d'une hypothèse un vaccin. Tout ne marche pas dans le secteur des sciences de la vie. André Choulika

Les chances de réussite d'un médicament à partir de la phase clinique sont à hauteur d'une sur dix, voire une sur treize. Donc, plus il y a d'essais qui sont faits, plus vous avez de chances d'avoir un produit qui va réussir. C'est bien que la France ait contribué par des hypothèses différentes, avec Moderna ou Pfizer. Au début, quand la course a été lancée, il y avait beaucoup d'hypothèses différentes. Certaines ont réussi. D'autres n'ont pas réussi. Mais ce n'est pas un drame. André Choulika

Pasteur n'est pas une industrie pharmaceutique. Il n'y a pas d'unités de production, il a fallu trouver quelqu'un qui veuille bien manufacturer le produit. Cette fabrication a pris du temps et le développement de l'essai clinique s'est déployé à partir de ça. Pasteur est un institut de recherche qui ne détient pas toutes les clés de la chaîne, qui va de la découverte du médicament à sa mise en clinique. André Choulika

L'administration française a fait mis tous les moyens qu'il fallait pour pouvoir y arriver. L'institut de recherche n'avait pas toutes les capacités pour manufacturer, il ne pouvait pas les inventer ex-nihilo. Peut-être qu'il est temps maintenant pour le gouvernement français de tirer les conclusions des 12 mois passés pour pouvoir mettre en place une réponse vaccinale extrêmement rapide. André Choulika

L'échec de Sanofi

Sanofi a tous les moyens de fabrication en France, c'est-à-dire qu'ils ont l'entièreté des unités de fabrication pharmaceutique. Ils ont fait un pari, à l'instar de l'Institut Pasteur, qui ne s'est pas révélé bon (...). Les moyens de Sanofi sont bien supérieurs à ceux de ceux de Moderna et de l'Institut Pasteur. André Choulika

Le syndrome du NIH, "not invented here", est quelque chose qui peut être compliqué dans certaines industries pharmaceutiques, c'est-à-dire quand ce n'est pas inventé en interne. Pfizer est allé chercher en fait une technologie totalement nouvelle, une technologie de biotech. Ils se sont associés, ont mis les moyens et ont réussi.  Dans le cas de Sanofi, ça peut être un peu différent_._ André Choulika

La place de la France dans la recherche pharmaceutique

La question que l'on s'est posée dans cette note est de savoir si l'écosystème de la recherche fondamentale jusqu'à la mise sur le marché d'un médicament en France souffrait de facteurs structurels qui expliqueraient la mauvaise performance globale de la France en matière pharmaceutique. Cette dernière décennie, on est passé de technologies qui relevaient plutôt de la chimie à des technologies qui relèvent plutôt de la biologie et de la génomique. Et ça a plusieurs conséquences économiques. Anne Perrot

Il y a un sous-financement et un décrochage de la France. Par ailleurs, mis à part quelques endroits très spécifiques, il n'y a pas de grosses universités de pointe dans ce domaine en France et ça s'explique aussi par la faible attractivité des carrières de recherche en France. Anne Perrot

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