C’est une Lune miniature en tôle peinte, accompagnée de deux petits astronautes et de fusées minuscules, tous montés sur des aimants. Un jouet que la marque savoyarde Mont-Blanc commercialise en 1968, un an avant que Neil Armstrong fasse son premier pas historique.
Les instructions de la notice disent ceci : « Le globe lunaire dont vous disposez maintenant est une reproduction très précise de l’ensemble des régions connues de notre satellite naturel. Vous remarquerez que nous y avons fait figurer les emplacements des impacts de toutes les fusées, russes et américaines, qui ont, à ce jour, atteint leur but. En plaçant les fusées magnétiques, rouges pour l’URSS et blanches pour les USA, vous aurez une vision précise et immédiate de cette grande “COURSE À LA LUNE”. Au fur et à mesure des futurs atterrissages (alunissages), vous continuerez à marquer les “points” des deux “challengers”. Enfin, quand arrivera le grand jour du premier cosmonaute se posant sur la Lune, vous placerez ce héros historique sur le globe, exactement au lieu même de son atterrissage. Sera-t-il rouge ou blanc ? »
En réalité, en cette année 1968, les Soviétiques ont déjà perdu la course depuis un petit moment. Comme l’explique Isabelle Sourbès-Verger, directrice de recherches au CNRS et spécialiste des politiques spatiales, le premier à vouloir révéler le pot aux roses s’appelle Leonid Vladimirov : « C’est un journaliste scientifique qui a fui l’URSS en 1966. Il présente alors à des éditeurs britanniques un projet de livre où il affirme que l’Union soviétique n’est plus dans la course à la Lune. Personne n’accepte de le publier. »
Lorsque son ouvrage paraît finalement en 1971 sous le titre The Russian Space Bluff (Tom Stacey, non traduit), Leonid Vladimirov raconte en introduction comment, après avoir demandé l’asile politique au Royaume-Uni, il a été ébahi de constater que les Occidentaux croyaient dur comme fer à la possibilité qu’un Soviétique soit le premier à fouler le sol sélénite. Il a beau, devant le directeur d’une des plus grandes maisons d’édition londoniennes, s’exclamer que « c’est impossible », son interlocuteur regarde sa montre et lui répond : « Je crains que le nombre des choses impossibles dans ce monde devienne de moins en moins grand. Mais s’il y a quelque chose d’impossible, croyez-moi, c’est la publication de votre livre. Du moins jusqu’à ce que nous ayons la réponse à la question de savoir qui sera le premier » à aller sur la Lune.
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