Tribune. Dans la version votée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 31 juillet 2020, l’article 17 du projet de loi relative à la bioéthique autorisait l’adjonction de cellules souches pluripotentes humaines à des embryons animaux, une technologie communément appelée « chimère homme/animal ». Cet article a été rejeté par le Sénat le 3 février 2021. Conscients que cette technologie puisse susciter l’interrogation, nous souhaitons expliquer la signification des termes utilisés, rappeler l’importance de cette technologie pour la recherche médicale passée et future, et en préciser les limites.
Une chimère homme/animal est un embryon, un fœtus ou un organisme adulte d’une espèce animale dans lesquels des cellules humaines ont été introduites dans le but d’étudier leur comportement. Cette technologie est utilisée depuis plusieurs décennies pour étudier comment les cellules cancéreuses se multiplient et forment des métastases, et quelles molécules thérapeutiques peuvent être utilisées pour ensuite les éliminer. Elle est également utilisée pour découvrir comment les cellules souches peuvent réparer les organes lésés dans certaines maladies dégénératives.
Retombées considérables
Pour des raisons éthiques évidentes, on ne peut utiliser des cobayes humains pour réaliser ces expériences de greffes cellulaires. Les chimères homme/animal sont donc une alternative à l’expérimentation humaine. Les recherches médicales utilisant ces chimères ont conduit à des milliers de publications scientifiques et à des avancées médicales majeures dans le traitement des cancers, de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et bientôt de la maladie de Parkinson, sans qu’aucune voix ne s’élève contre la méthode.
Les chimères homme/animal sont aujourd’hui utilisées pour étudier un type particulier de cellules : les cellules souches pluripotentes. Celles-ci sont de deux types : les cellules souches embryonnaires, fabriquées à partir des embryons dits « surnuméraires », et les cellules souches pluripotentes induites (appelées aussi iPS), fabriquées à partir de cellules d’individus adultes. Lorsqu’on introduit un petit nombre de ces cellules humaines pluripotentes dans un très jeune embryon de souris, de lapin, de mouton ou de porc, elles se mélangent aux cellules de l’embryon. Elles peuvent alors participer à la formation des organes du futur fœtus après que l’embryon chimère ait été replacé dans l’utérus de l’animal.
Les retombées de ce nouveau paradigme expérimental sont considérables : déchiffrer les mécanismes du développement embryonnaire sans utiliser les embryons humains « surnuméraires » avec, pour finalité médicale, l’amélioration des technologies de procréation médicalement assistée ; valider l’efficacité et l’innocuité des cellules iPS pour la thérapie cellulaire régénératrice ; étudier la toxicité de composés chimiques ou de nouvelles molécules thérapeutiques sur les cellules humaines au sein d’un organisme vivant ; à plus long terme, produire des tissus et organes humains pour la transplantation. Ce sont ces nouvelles voies de recherches que le Sénat a décidé d’interdire.
Il vous reste 46.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.