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Cécile Martinat : Démystifier l’utilisation des cellules souches pour la recherche

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 06 janvier 2020 , mis à jour le 24 septembre 2020

Cécile Martinat est directrice de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem – Université Paris-Saclay, Inserm, Université d’Évry). Elle mène de front ses activités de chercheuse et son engagement dans l’organisation et la défense de la communauté scientifique des cellules souches humaines en France.

Cécile Martinat avoue être devenue chercheuse « par opportunité » et n’avoir jamais fait de plan de carrière. « Après ma thèse en virologie à l’Institut Pasteur, j’ai choisi de partir en post-doc à l’Université de Columbia, en premier lieu parce qu’il était à New York ». La chercheuse y travaille sur les cellules souches humaines, « émerveillée » par le côté « Harry Potter » de ce type de recherche autorisée dès 1998 aux États-Unis. La loi de bioéthique la rendant possible en France à partir de 2005, Marc Pechanski lui propose de rejoindre, la même année, l’équipe impliquée dans la création d’I-Stem.

Dès sa création en partenariat avec l’AFM Téléthon, l’I-Stem associe équipements technologiques de pointe avec innovation scientifique. L’institut utilise des cellules souches pluripotentes humaines pour mieux comprendre le développement de certaines maladies génétiques et identifier des pistes thérapeutiques. Les équipes se répartissent en deux axes de recherche. Le premier axe, dirigé par Christelle Monville, s’oriente vers la thérapie cellulaire innovante, et Cécile Martinat pilote le second axe, dédié à la modélisation pathologique. Il s’agit d’utiliser des cellules souches, d’origine embryonnaire ou induites à la pluripotence par conversion génétique de cellules somatiques de patients, pour comprendre la présence d’une mutation. « C’est une recherche mécanistique, nous étudions comment cette mutation affecte la fonctionnalité d’un type cellulaire bien défini, et nous identifions des pistes thérapeutiques, en ciblant des approches pharmacologiques. »

La chercheuse s’intéresse en particulier aux maladies neuromusculaires. « J’essaie de comprendre comment certaines mutations perturbent le système neuromusculaire et la communication des motoneurones avec leurs cibles musculaires. Pour cela, nous utilisons des modèles complexes faits de cellules souches pluripotentes converties en motoneurones. »

Une société savante pour se défendre

« Depuis 2005, tous nos programmes sont soumis à autorisation auprès de l’Agence de la biomédecine, qui relève du ministère chargé de la santé, explique Cécile Martinat. Or depuis 2013, ces autorisations sont systématiquement attaquées en justice par des fondations extrémistes. Il y en a actuellement 50 sur les 90 qui sont visées ». Pour la chercheuse, cette situation est à la fois injuste et ridicule. « Ces attaques, contre lesquelles ni les chercheurs ni l’Agence ne sont organisés pour riposter, menacent des années de recherche et de développement ».

Elle crée en 2017, avec plusieurs chercheurs français, la société française de recherche sur les cellules souches (FSSCR), qu’elle préside depuis. « Cette société est destinée à mieux fédérer la communauté scientifique française des cellules souches, mais elle permet aussi de participer au débat public dans le cadre de la révision de la loi bioéthique », développe Cécile Martinat, qui a été notamment auditionnée par le comité consultatif national d’éthique (CCNE) et par l’Assemblée nationale. Après Paris en 2017 et Nantes en 2018, le troisième congrès annuel de la société savante s’est tenu à Lyon en novembre 2019.

Communiquer au grand public

Au moment où paraissent des articles de presse relayant des cas d’injection de cellules souches humaines chez des patients dans certains pays, la chercheuse tient à communiquer sur « ce qui est faisable ou non » auprès d’un large public. Cela commence par son engagement auprès des collégiens et lycéens dans le cadre de l’opération 1000 chercheurs dans les écoles.  « L’objectif est de les sensibiliser aux maladies génétiques et aux métiers de la recherche, confie-t-elle. Je leur dis que ce n’est pas parce qu’on est une fille issue d’un milieu rural qu’on ne peut pas faire des études à Paris. Je leur décris mon quotidien de chercheur, loin de l’image d’Épinal du Professeur Tournesol isolé. Communiquer est un élément majeur de notre profession. »