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Modéliser les premières galaxies pour comprendre une époque clé de l’univers !

Univers - Cosmologie - Sciences pour tous - Université Ouverte

Doctorant en 3e année de thèse au CRAL (1), Mathieu Chuniaud travaille sur des simulations numériques d’un nouveau type afin de mieux comprendre la période qui a suivi la première génération d’étoiles : la réionisation. 

lecture : 5-6 min

L’apparition des premières galaxies : l’univers s’allume !

Lorsque l’on contemple le ciel la nuit, on peut être submergé par une impression d’éternité. Les étoiles, si nombreuses et si lointaines, communes à chaque être humain depuis que l’humanité est apparue sur Terre, semblent toujours avoir été là. Pourtant, comme nous tous, l’univers a son histoire. Avant d’éclairer notre ciel et de nous offrir un spectacle grandiose, les premières galaxies et les premières étoiles ont dû naître.

Cela s’est passé il y a environ 13 milliards d’années. Avant cela l’univers était en quelque sorte plongé dans le noir, sans aucune étoile pour l’illuminer. Il était uniquement constitué de gaz neutre diffus, c’est à dire que les atomes constituant le gaz ne possédaient pas de charge électrique. Puis, dans certaines zones, le gaz a commencé à se rassembler, se compresser et former les premières étoiles sous l’effet de la gravité. Ces zones, plus denses en gaz et regroupant de nombreuses étoiles, constituent les premières galaxies.

Les premières étoiles ont la particularité d’être sans métaux car ces derniers n’étaient pas encore apparus dans l’univers, ce qui les différencie des étoiles actuelles. Malheureusement, la durée de vie des étoiles dépassant rarement 10 milliards d’années, elles ont aujourd’hui presque toutes disparu, et les observer reste un grand défi (une seule observation, non certaine, existe à ce jour).

 

L’époque de la réionisation : l’univers change d’état

Avec l’apparition des premières étoiles, l’univers se voit doté d’un grand nombre sources d’énergie très importantes, des « centrales nucléaires » pourrait-on dire. Cela va fortement impacter le milieu intergalactique entre les galaxies.

Rappelons qu’à l’époque où se forment les premières galaxies (et donc les premières étoiles) l’univers est constitué de gaz neutre. Ce gaz est principalement composé d’hydrogène, l’atome le plus simple existant : on y trouve un noyau constitué d’une particule appelée proton et doté d’une charge positive « + », autour duquel tourne un électron chargé négativement « – ».  Soumis à une forte énergie, l’atome d’hydrogène peut se casser, donnant naissance à un ion, l’atome d’hydrogène H+ (chargé « + ») et à un électron libre. C’est justement ce qu’il va se passer à cause de l’énergie libérée par les étoiles.

Pendant environ 600 millions d’années, les premières galaxies vont libérer tellement d’énergie qu’elles vont casser la liaison entre l’électron et le noyau de tous les atomes d’hydrogène de l’univers. L’univers change d’état : autrefois composé de gaz neutre, il est maintenant constitué d’électrons et d’ H+ indépendants et se retrouve donc chargé électriquement. C’est ce qu’on appelle la réionisation. Il s’agit d’une époque clé de l’histoire de l’univers où se passent conjointement la formation des premières galaxies (et des premières étoiles) et un changement d’état majeur de l’univers.

Cette époque est donc d’un grand intérêt pour les chercheurs en astrophysique. Le changement d’état de l’hydrogène constituant l’univers est caractéristique de cette époque et permet de l’étudier. De plus, les galaxies et les étoiles en leur sein étant la source d’énergie qui amène ce changement d’état, étudier la réionisation c’est essayer de comprendre comment se sont formées les premières galaxies et comment elles ont interagi avec leur environnement. 

Cependant il s’agit d’une époque lointaine, très lointaine, ce qui rend les observations très compliquées. Même si les progrès technologiques ont permis d’acquérir quelques mesures provenant des galaxies de l’époque de la réionisation, cela reste très insuffisant pour comprendre cette période de manière précise. De grands doutes subsistent notamment sur le début et la fin de cette époque, et donc sur la durée même de la réionisation.

 

Simuler l’univers dans un ordinateur

Devant la difficulté à observer l’univers à l’époque de la réionisation, un des meilleurs outils pour l’étudier est l’ordinateur, et plus particulièrement les simulations numériques. C’est d’ailleurs dans ce domaine précis (l’étude de l’époque de la réionisation à l’aide des simulations numériques) que je fais ma thèse.

L’idée principale est simple : reproduire dans un ordinateur l’univers tel que l’on pense qu’il était à cette époque. Bien entendu, l’univers étant infini, il est impossible de le modéliser entièrement par ordinateur. Il y a donc des compromis à faire, aussi bien sur le plan physique que numérique.

Il existe deux grandes approches dans le monde des simulations numériques étudiant l’époque de la réionisation. La première consiste à simuler dans l’ordinateur un « grand bout » d’univers (de l’ordre de 2000 fois la voie lactée en largeur). Ainsi, ces larges simulations permettent une vue d’ensemble de l’univers de l’époque. Cependant elles ont le défaut d’avoir des galaxies peu réalistes et très « pixélisées ». En effet aucun ordinateur n’est actuellement assez puissant pour modéliser une si grande portion d’univers et en même temps avoir des galaxies en « haute définition.

La deuxième approche consiste à modéliser une ou très peu de galaxies afin d’avoir la puissance numérique nécessaire pour avoir un modèle de galaxies réaliste. L’inconvénient de cette approche est qu’en se focalisant sur très peu de galaxies on perd la vue d’ensemble sur l’époque de la réionisation.

 

Une nouvelle génération de simulations

Au milieu des deux grandes approches mentionnées plus haut, une approche de simulation numérique hybride est en train d’émerger. Grâce à de nouvelles astuces numériques, quelques simulations sont aujourd’hui capables de produire une vue d’ensemble de l’univers à l’époque de la réionisation tout en ayant des galaxies résolues (qui ne sont pas pixélisées et donc irréalistes). Je travaille personnellement sur l’une de ces nouvelles simulations : SPHINX (dans l’esprit du mystère qui entoure le Sphinx le sens de l’acronyme restera ici une énigme).

Bien entendu, SPHINX n’est elle aussi pas sans défaut. L’univers qu’elle modélise reste inférieur aux plus grandes simulations s’intéressant à l’époque de la réionisation (« seulement » 400 voies lactées de large). De plus, même si les galaxies présentes au sein de la simulation sont plutôt réalistes, cela reste insuffisant par rapport aux simulations se focalisant uniquement sur une galaxie. Cependant il s’agit d’une des toutes premières simulations qui permet d’avoir une vision à la fois large et précise de ce qu’il s’est passé à l’époque de la réionisation.

Simuler l'univers
L’univers à l’époque de la réionisation vu par la simulation SPHINX.

 

L’un des intérêts d’une telle simulation est de pouvoir étudier les différents types de galaxies présentes à cette époque (selon leur masse par exemple) et de voir quelle population de galaxie a le plus contribué à la réionisation.

Dans SPHINX nous avons trouvé que ce sont les « petites galaxies », peu massives mais très nombreuses, qui apportent la majorité de l’énergie nécessaire à la réionisation pour casser la liaison entre l’atome d’hydrogène et son électron. Ces petites galaxies se forment plus rapidement et leur grande quantité suffit à en faire un réservoir d’énergie très important. Pour reprendre l’analogie des centrales nucléaires, on s’est aperçu dans SPHINX que beaucoup de petites centrales sont vite apparues et que leur rôle est finalement plus important que celui des quelques grosses centrales présentes dans l’univers

Bien évidemment cela reste des résultats insuffisants pour comprendre entièrement l’époque de la réionisation. L’amélioration des simulations numériques est constante et nécessaire. Preuve en est, une version SPHINX 2.0 vient juste de voir le jour et reste à analyser.

 

(1) Centre de recherche en astrophysique de Lyon (CRAL – Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/ENS de Lyon)

 


Cet article a été réalisé par Mathieu Chuniaud pour Sciences pour tous.

Sa bio :

“Je m’appelle Mathieu Chuniaud et j’ai 27 ans. Actuellement en troisième année de thèse d’astrophysique à Lyon. J’aime aussi le sport et le théâtre !


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