Luc Multigner : « Sous réserve de ne plus être exposé, le chlordécone s’élimine de notre organisme »
Spécialiste de la question du chlordécone pour laquelle il a réalisé de nombreuses recherches et continue à mener des études, le professeur Multigner livre une analyse détaillée de l’état des connaissances scientifiques et insiste sur la reconnaissance, par l'État, des erreurs du passé et la nécessaire précaution, pour éviter qu’une telle pollution ne se reproduise.
Vous travaillez depuis de nombreuses années sur la question du chlordécone, comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ce sujet ?
J’ai appris l’existence du chlordécone et son usage en
culture bananière aux Antilles en 1997, par Alain Kermarrek,
directeur de recherche à l’INRA de Petit-Bourg en Guadeloupe. Alain
fut le coordonnateur du rapport adressé au ministère en charge de
l’environnement en 1980 et qui montrait déjà l’étendue de la
pollution des milieux naturels et de la faune sauvage en
Guadeloupe. J’ai été extrêmement surpris en découvrant la
dangerosité du chlordécone, déjà très bien connue à l’époque. Il
aura fallu presque 20 ans pour que la contamination des eaux
de consommation et des denrées alimentaires soit rendue publique en
1979 en Martinique et en Guadeloupe. Cela m’a fortement motivé à
orienter des recherches sur les conséquences sanitaires de cette
pollution.
Depuis quand sait-on que le chlordécone est une substance dangereuse ?
Sa dangerosité est connue depuis le début des années 1960 suite aux études réalisées dans le cadreréglementaire de son autorisation d’usage comme pesticide aux États-Unis. Le chlordécone était alors apparu comme une substance neurotoxique, toxique pour la reproduction et cancérigène, suite à quoi il fut interdit aux États-Unis pour des usages sur des cultures alimentaires : le risque pour l’homme était déjà...