STATISTIQUE ET PAUVRETÉ SOUS LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE

La Révolution et l'Empire constituent une période originale par le bouillonnement d'initiatives et le véritable enthousiasme que provoque la statistique officielle; l'État multiplie les enquêtes, accumule les données, dans deux domaines surtout : la population et l'économie (1). On peut parler d'une véritable «effervescence» (H. Le Bras), remarquablement brouillonne parfois, dont les résultats sont très inégaux, et souvent décevants, hélas. Or, dans ce foisonnement, il existe un certain nombre de statistiques, qui, à des titres différents, concernent le monde de la pauvreté. Celles qui nous intéressent ont en commun l'originalité d'être conçues à l'échelon national. On peut cependant, d'ores et déjà, les répartir selon deux types. Les unes, reprenant des pratiques de l'Ancien Régime, visent à comptabiliser, à des fins administratives, le nombre des bénéficiaires du système d'assistance ou des individus touchés par les mesures de répression de la mendicité (2). Les autres, sous la forme d'enquêtes, ont pour but de découvrir l'importance numérique de ces catégories sociales. Cet ensemble de statistiques, portant sur une partie marginale de la société française, revêt donc une importance particulière, si l'on considère, avec H. Le Bras (3), qu'au moment où se forme la Nation la statistique officielle n'est plus seulement, comme sous l'Ancien Régime, un outil au service exclusif de l'administration, mais apparaît aussi comme un instrument privilégié lui permettant de se définir et « d'explorer la Société ». Dans cet auto-portrait de la Nation, quelle place la statistique réserve-t-elle donc à ses « pauvres » ? Le tableau se veut-il fidèle et lucide, ou au contraire reste-t-il volontairement imprécis?