Pourquoi et dans quelles conditions des chasseurs-cueilleurs de la période gravettienne, entre – 34 000 ans et – 25 000 ans, au paléolithique récent, ont-ils déposé les corps entiers ou partiels de leurs semblables dans une grotte ornée de centaines de gravures animalières et symboliques ? Quelles pratiques rituelles se sont déroulées, associant manipulation des restes humains et récits consignés sur les parois ? Ces questions interrogent les scientifiques qui étudient depuis deux décennies le site de Cussac, sur la commune du Buisson-de-Cadouin, en Dordogne. Ils commencent à trouver des réponses, à la faveur d’une vaste étude pluridisciplinaire dont les résultats sont partagés dans un récent ouvrage, vingt ans après la découverte du site.
C’est en effet le 30 septembre 2000 que le spéléologue Marc Delluc pénètre dans la grotte de Cussac en explorant un conduit qui s’ouvre derrière un porche obturé par des pierres, dans un petit vallon couvert de bois de châtaignier, à proximité du Buisson-de-Cadouin. Après avoir patiemment dégagé l’entrée, ôtant une à une les plaquettes calcaires, il entre dans un long boyau au relief tourmenté et au sol glissant, rendant sa progression difficile.
Après un prudent cheminement d’une centaine de mètres, c’est le premier choc. Sur la paroi rocheuse, de monumentaux dessins gravés apparaissent à la lueur de sa lampe frontale, vigoureux bisons et animaux étranges aux formes arrondies. Mais sa lampe faiblit et il doit rebrousser chemin. Il déclare sa découverte aux autorités, et revient sur place une semaine plus tard avec deux collègues.
Un squelette presque complet
Poursuivant son exploration, Marc Delluc fait une nouvelle trouvaille, qui le laisse interdit : un squelette humain presque complet, qui semble avoir été déposé dans une bauge, dépression du sol que creusent les ours lorsqu’ils hivernent dans les cavités souterraines. Tout à côté, d’autres bauges contiennent de nombreux ossements humains.
Menées dans les semaines qui suivent par le préhistorien Norbert Aujoulat, les premières expertises confirment l’extraordinaire importance de la découverte. Le style caractéristique des gravures animalières, anthropomorphes et abstraites, recensées par centaines, rattache le site à la période dite gravettienne. Ce que confirment, dès 2001, les premières datations par la méthode du carbone 14 d’échantillons prélevés sur des restes humains, qui livrent un âge situé autour de 30 000 ans.
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