Le très dispendieux train de vie de l’ancien directeur de l’Opéra de Lyon

La chambre régionale des comptes pointe du doigt les salaires et les dépenses en hôtels, taxis, grands crus de Serge Dorny, aujourd’hui patron de l’Opéra de Munich.

Par Justin Boche

Serge Dorny, ancien directeur général de l'opéra de Lyon.
Serge Dorny, ancien directeur général de l'opéra de Lyon. © JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Temps de lecture : 4 min

Taxis, grands crus, hôtels 5 étoiles, salaire astronomique, la chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes a jeté un regard cru sur le train de vie de Serge Dorny, l’ancien directeur de l’Opéra de Lyon, qui a quitté ses fonctions pour l’Opéra de Munich en juillet dernier. Cette institution culturelle lyonnaise, située juste en face de l’hôtel de ville, est dotée d’un budget de 38,3 millions d’euros (2019), financé à 78 % par des fonds publics. Pour la période de 2010 à 2019, les magistrats ont épluché les « comptes de ce lieu élu meilleur Opéra du monde en 2017 et notamment les frais engagés par son directeur général. Des frais qui ont flambé entre 2010 (57 982 euros) et 2014, où ils ont atteint 156 312 euros, dont 3 739 euros de taxis alors qu’il disposait d’une voiture de service ». Ces dépenses de taxis ont d’ailleurs frôlé les 4 000 euros en 2015 (3 970 euros). « L’analyse détaillée de 75 % de cette somme met en évidence que 60 % des déplacements en taxi sont rattachés à un ordre de mission (déplacement gare/aéroport). Le solde concerne des courses pour la plupart dans Lyon ou la métropole, aussi bien en journée qu’en soirée », précise le rapport.

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Hôtels, restaurants, grands crus, cadeaux

Les juges pointent également le choix des lieux d’hébergement du directeur, dont le salaire annuel est de 291 000 euros. « Alors que la règle implicite prévoyait que le directeur général loge dans des hôtels 4 étoiles, “voire” 5 étoiles, 70 % des nuitées qui lui sont remboursées concernent des hôtels 5 étoiles (ou équivalents en Relais et Châteaux) », écrivent-ils. Et d’ajouter : « Ont été en outre remboursées des dépenses très variées : consommations diverses, presse et livres, “avec parfois un lien avec l’Opéra difficile à établir”, pourboires, programmes de spectacles, accessoires de voyage, achats divers et cadeaux. » La vie d'un nabab, qui, Lyonnais oblige, passait également par la case « restaurant ». Soumise à aucune règle, la « politique implicite » de l’Opéra prévoyait des « remboursements de notes de restaurant “en fonction de l’invité”, limités à 50 euros, 70 euros ou 90 euros », indique la CRC. En réalité, en 2014, sur les 203 repas pris en charge par l’Opéra, 40 ont été supérieurs au plafond (dont quatre supérieurs à 165 euros par personne). Un rapport d’audit de la Ville de Lyon de 2016 précise par ailleurs que « le prix moyen du repas est alourdi par des bouteilles de prix élevé ». Sont également cités douze repas pris par le directeur général seul à Lyon et remboursés par l’association. « L’ampleur de ces remboursements témoigne d’une conception parfois extensive de la notion de frais engagés à l’occasion de déplacements, missions ou représentations. Dans la mesure où la nature de ces dépenses n’a jamais été cachée, mais au contraire systématiquement justifiée, sans que les administrateurs y prêtent véritablement attention, ces remboursements ne vont toutefois à l’encontre d’aucune règle interne qu’il revenait d’ailleurs aux administrateurs d’établir », écrivent les magistrats.

Des pouvoirs publics aveugles ?

Les collectivités locales (ville, département, région) et l’État, qui siègent au conseil d’administration, ne pouvaient méconnaître ce fonctionnement, selon le rapport. La Ville de Lyon, dirigée à l’époque par Gérard Collomb, avait d’ailleurs elle-même audité entre 2014 et 2016 le fonctionnement de l’Opéra. En 2017, le journal local Mediacités avait publié une enquête sur Serge Dorny et ses largesses financières. Le procureur de la République avait alors sollicité le maire de Lyon pour connaître les mesures de vérification de la bonne utilisation des deniers publics mises en œuvre par ses services. Du côté de l’Opéra, le directeur général adjoint avait assuré que les frais engagés par le directeur avaient permis « de développer fortement les recettes propres de l’Opéra au cours des dernières années ». Faux, selon les juges, qui expliquent aujourd’hui que « ces affirmations paraissent hasardeuses au regard des montants des produits réellement encaissés et du fait que les recettes de mécénat proviennent de donateurs français qui sont souvent les mêmes d’une année sur l’autre ». Finalement, une nouvelle politique de voyages, de déplacements et de frais professionnels a été adoptée en mai 2018. En 2019, les frais de déplacement du directeur général étaient ainsi « tombés » à 62 374 euros.

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Commentaires (46)

  • dutch1

    Ne cherchez plus de justification...

    Methode du privé, yield management : On baisse l'enveloppe globale de façon volontariste... Et on arbitre, et on taille...

    je veux bien tolérer un peu de mécénat d'état... Mais 70% c'est beaucoup trop...

  • pascalbreizh

    Non seulement écoeurant mais révoltant ! Contrôle absent donc renouvellement des excès ! Rouvrez La Bastille !

  • ydau

    Et bien qu'il ait été le meilleur directeur d'opéra du monde, sa moralité n'est pas meilleure que celle de tous ces gens qui profitent indument du système...