Cet été, la médaille Fields, équivalent du prix Nobel en mathématiques, a été attribuée à l’Iranienne Maryam Mirzakhani, au Franco-brésilien Artur Avila, à l’Autrichien Martin Hairer et à l’Américano-canadien Manjul Bhargava

Pendant qu’en ce mois d’août certains lézardaient au soleil, d’autres, moins nombreux, se réunissaient à Séoul (Corée du Sud) pour parler… mathématiques. Ou plus exactement pour attribuer la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel dans ce domaine. Depuis 1936, elle est décernée tous les quatre ans à des forts en maths âgés de 40 ans maximum. Cet été, la médaille a donc été attribuée à l’Iranienne Maryam Mirzakhani, au Francobrésilien Artur Avila, à l’Autrichien Martin Hairer et à l’Américanocanadien Manjul Bhargava.

En nombre de médailles Fields reçues, la France se classe deuxième, juste derrière les États-Unis, une situation flatteuse qui n’existe dans aucune autre science. Or, si l’école mathématique française est l’une des meilleures au monde, nos grands mathématiciens sont, à l’exception notable de Cédric Villani, bien peu présents médiatiquement. Et s’il arrive que des résultats de physique fassent l’actualité, comme cela a été le cas récemment avec la découverte du boson de Higgs, c’est excessivement rare pour les mathématiques – la dernière fois remontant probablement à la démonstration de la conjecture de Fermat par Andrew Wiles en 1994.

Par où commencer ?


Se pourrait-il que la discipline soit impossible à vulgariser ? Il est notoire que les mathématiques sont devenues extrêmement spécialisées et techniques, mais cela n’est pas moins vrai de la physique. Cependant, les physiciens sont habitués, au sein même de leur discipline, à utiliser des approximations et des façons imagées de s’exprimer. Pour les mathématiciens, rigueur et précision sont des vertus cardinales… qui se transforment en vice lorsqu’il faut communiquer avec des non-initiés. M’étant moi-même essayé à la chose, je peux témoigner du sentiment de malaise qui s’empare de moi lorsque je passe volontairement sous silence un détail technique ! Il est probable que, pour beaucoup de collègues, il s’agisse d’une transgression insupportable.

Même en admettant qu’on soit volontaire pour franchir le Rubicon de l’imprécision, on tombe immédiatement sur une autre difficulté de taille : par où commencer ? Supposons que je souhaite vous parler de la géométrie non commutative, qui est mon domaine. Je pourrais vous dire qu’on y essaie de faire de la géométrie un peu à la manière de Descartes, à ceci près que les coordonnées sont remplacées par des opérateurs qui ne commutent pas. Ce qui m’entraînera aussitôt à expliquer ce qu’est un opérateur, et ce que signifie « commuter ». Je serais alors tenté de donner un exemple très simple avec des matrices, mais cela n’aurait de sens que si mes interlocuteurs ont déjà entendu parler des matrices, sans quoi je serais contraint à une nouvelle digression… et tout le monde aurait perdu le fil depuis longtemps.

[caption id="attachment_30419" align="aligncenter" width="640"] Les lauréats 2014 à Séoul. De gauche à droite : Artur Avila, Manjul Bhargava, Martin Hairer et Maryam Mirzakhani. SIPA[/caption]

Anciennes contre modernes


Il semble qu’il y ait une limite, qu’on situe généralement entre le niveau du bac et celui de la licence, en dessous de laquelle il sera difficile à un mathématicien de descendre s’il veut expliquer ses travaux. Il y a une raison à cela : les mathématiques que l’on enseigne jusqu’au baccalauréat sont pour l’essentiel antérieures au XIXe siècle. Or c’est précisément à cette époque que cette science a subi une profonde mutation.

Pour accéder à la totalité de cet article, vous pouvez créer votre compte / vous connecter

(accès gratuit dans la limite de 3 articles)

Pour un contenu illimité, abonnez-vous !

s'abonner
Revenir en haut