Moreno Andreatta est-il un mathématicien qui joue du piano ? Ou un musicien qui fait des maths ? Difficile de trancher, tant ces deux activités sont imbriquées chez ce chercheur de l’équipe Représentations musicales de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam), à Paris.
Un « mathémusicien »
Qu’on en juge : il est à la fois titulaire d’un Premier Prix de piano au conservatoire de Novare, en Italie, et d’une habilitation à diriger des recherches à l’Institut de recherche mathématique avancée de Strasbourg, et il a financé sa thèse en musicologie computationnelle en improvisant au piano-bar, chaque samedi, à bord du Bretagne, de la compagnie des Bateaux parisiens.
« C’est la première fois qu’un projet sur les rapports entre mathématiques, informatique et musique fait l’objet d’un tel poste au CNRS », Moreno Andreatta
« J’ai grandi dans la musique », se souvient-il. Son père est pianiste, lui-même commence le piano dès 3 ans. Mais les mathématiques aussi le ravissent. Aujourd’hui, à 45 ans, il réussit enfin à combiner ses deux passions. Avec succès, puisqu’il vient d’être promu directeur de recherche au CNRS. « C’est la première fois qu’un projet sur les rapports entre mathématiques, informatique et musique fait l’objet d’un tel poste au CNRS, se réjouit-il. Je serai chercheur invité à l’université de Strasbourg l’an prochain, et mes nouvelles recherches seront centrées sur l’articulation entre musique savante et musiques actuelles : pop, rock, chanson et jazz. »
C’est lors de son master 2 de mathématiques, en Italie, qu’il a découvert Musique formalisée, du compositeur grec Iannis Xenakis, pionnier de l’utilisation des mathématiques en musique savante. Dans ce livre, Xenakis explique comment il compose à partir de fonctions mathématiques. Une révélation pour Moreno Andreatta : il n’est pas obligé de choisir entre la musique et les maths.
Un « désordre organisé »
« Je me suis alors intéressé à la construction de “canons rythmiques mosaïques”, pour mon mémoire de master : il s’agit de faire jouer à plusieurs percussionnistes des motifs rythmiques conçus de manière qu’aucun ne joue en même temps, mais qu’il n’y ait pas non plus de silence, explique le chercheur. C’est un “désordre organisé”, pour reprendre une belle expression du compositeur Olivier Messiaen. Bien sûr, il y a des solutions très simples, par exemple, quand les rythmes sont réguliers. Mais, lorsqu’on cherche toutes les manières de remplir ces contraintes, cela devient un problème mathématique complexe, qui reste ouvert. Aujourd’hui, je codirige une thèse sur ce sujet. »
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