Selon de nouvelles données publiées ce mercredi 15 juillet par le Global Carbon Project, les émissions de méthane continuent d'augmenter, principalement dans les énergies fossiles et l'agriculture. Ce gaz à effet de serre, au pouvoir réchauffant 82 fois plus important que le CO2 sur vingt ans, est encore trop souvent oublié dans la lutte contre le changement climatique. Il constitue pourtant un levier très efficace car sa durée de vie dans l'atmosphère n'est "que" de dix ans, contre une centaine d'années pour le CO2.

Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre, juste derrière le dioxyde de carbone (CO2). Il est responsable d’environ un quart des émissions de gaz à effet de serre et sa concentration dans l’atmosphère ne cesse d’augmenter, avec une accélération inquiétante depuis 2014. Selon les dernières données du Global Carbon Project (GCP), publiées ce mercredi 15 juillet (1), les émissions mondiales de méthane ont crû de 9 % (soit environ 50 millions de tonnes) entre les deux périodes de référence 2000-2006 et 2017, nous éloignant toujours un peu plus des objectifs de l’Accord de Paris. En cause, la hausse des émissions dans le secteur des énergies fossiles, de l’agriculture et déchets, dans trois régions : Afrique, Chine et Asie.
Infog methane
Si le méthane a un pouvoir réchauffant 28 fois plus important que le CO2 sur une échelle de cent ans et 82 fois plus sur vingt ans, il est détruit dans l’atmosphère au bout d’une dizaine d’années "seulement". Le CO2 reste, lui, présent une centaine d’années. Un levier que la communauté internationale délaisse pourtant dans la lutte contre le réchauffement climatique. 
38 % des émissions liées à l’agriculture
"C’est très lié au fait que le monde de la finance a voulu un indicateur unique – le CO2 – sans chercher à prendre en compte la complexité des autres gaz à effet de serre comme le méthane dont les sources d’émissions sont effectivement difficiles à déterminer", explique le climatologue Hervé Le Treut. "On a toujours gardé cet horizon de cent ans, propre au CO2, alors qu’on sait désormais que nous n’avons plus que trente ans pour agir. Réduire les émissions de CO2 sans s’occuper du méthane n’est plus possible, il faut agir sur les deux en parallèle", prévient-il.
Mais la question est politiquement délicate à aborder car 38 % des émissions anthropiques de méthane proviennent de l’agriculture (troupeaux et riziculture). "Il faut aussi nourrir le monde", avance Marielle Saunois, enseignante-chercheuse au LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement) et coordinatrice de l’étude. "Il est délicat d’aller dire à des pays en développement de manger moins de viande ou de riz. Malgré tout, on voit qu’en Europe, on a réussi à réduire les cheptels à production laitière constante. Il y a aussi une meilleure gestion du fumier et des déchets, notamment grâce à la méthanisation", nuance-t-elle.
Grosse inconnue sur les émissions naturelles
L’industrie pétrolière et gazière a aussi un rôle à jouer. L’Agence internationale de l’énergie estime que le secteur pourrait réduire ses émissions mondiales de méthane de 75 % et que deux tiers de ces réductions peuvent être réalisées à coût net nul. On estime en effet que les fuites de méthane mondiales entraînent une perte de revenus d’environ 30 milliards de dollars et représentent environ 3% de la production mondiale de gaz naturel.
Reste une grosse inconnue concernant les sources naturelles de méthane, qui représentent 40 % de ses émissions. "Avec la hausse des températures, les émissions de méthane issues des lacs, des rivières ou du permafrost vont augmenter. Pour l’instant, cela reste négligeable par rapport aux émissions anthropiques actuelles", assure Marielle Saunois. Une étude publiée le 10 avril dernier dans la revue Science Advances (2) estime qu’en cas d’inaction politique, les émissions naturelles de méthane pourraient augmenter de 50 à 80 % en moyenne d’ici à la fin du siècle, annihilant toute chance de rester sous la barre des 2°C.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le rapport du Global Carbon Project 
(2) Voir l’étude publiée dans Science Advances

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