Emmanuel Macron est intervenu au titre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne le 16 février, à Toulouse, sur la « souveraineté des souverainetés, l’espace ». Une prise de parole en marge de la réunion des ministres des États membres chargés de l’espace sur deux projets révélés la veille par l’Union européenne (UE), un système de connectivité par satellite et la gestion du trafic spatial.

La constellation de satellites made in Europe

C’est l’une des marottes de Thierry Breton, Commissaire européen responsable de l’espace : une constellation européenne pour répondre à Starlink d’Elon Musk, Kuiper de Jeff Bezos, OneWeb… Le projet qu’il a lancé en décembre 2020 a dévoilé ses contours le 15 février.

Cette constellation promet un accès continu à des services de télécommunications par satellites sécurisés avec les dernières technologies de communication quantique. Il propose également pour les entreprises et les citoyens du continent, en Afrique, ou aux pôles, des connexions modernes, fiables et rapides, y compris dans les zones mortes.

Pour Emmanuel Macron, pas de doute, « L’Europe doit prendre sa part dans la révolution des constellations. C’est une question de souveraineté et d’efficacité ». Le président français a salué une « une proposition ambitieuse » et révélé le lancement d’appel d’offres dans le cadre de France 2030 pour deux projets en la matière, « l’un sur les services en orbite et l’un sur les projets de constellation de ruptures ».

Le coût total du service est estimé à 6 milliards d’euros, pris en charge par l’UE, les États membres, l’Agence spatiale européenne (ESA) et le secteur privé. En plus des arguments de souveraineté, des avantages technologiques, pour la recherche et la géopolitique européenne, la Commission s’attend avec le développement de cette nouvelle infrastructure à « une valeur ajoutée brute comprise entre 17 et 24 milliards d’euros, et créerait des emplois dans l’industrie spatiale de l’Union ».

Un RGPD de la gestion du trafic spatial ?

L’autre grand volet de cette journée a été la gestion du trafic spatial. Cette question est d’une brûlante actualité : avec la multiplication des lancements à moindres coûts, la multiplication des satellites en orbite, de 4 550 aujourd’hui à 20 000 d’ici dix ans, l’accumulation de débris spatiaux, 34 000 de plus de 10cm, 900 000 entre 1 et 10 cm et les menaces de sécurité entre satellites, l’engorgement pointe.

L’Europe dispose de son système de suivi des objets en orbite depuis 2016, l’EU Space Surveillance and Tracking, qu’elle souhaite renforcer technologiquement. L’autre aspiration est réglementaire. Le but est de sortir d’une logique commerciale ou de puissance pour éviter d’en faire une « zone de non-droit », dixit Emmanuel Macron.

graphique sur les risques de collisions satellites

Source : EU SST

Le futur cadre de réglementation spatiale, destiné à l’UE, peut servir de base à négociation internationale. Le président français espère qu’à l’image de l’action de l’Europe dans le numérique, référence au RGPD, la réglementation européenne inspire le reste du monde.

La place de l’UE dans l’espace

Ces deux propositions vont être soumises au Parlement européen et aux États membres afin d’être intégrées à la « boussole stratégique » de l’UE en vue de 2030. Emmanuel Macron en a profité pour s’exprimer plus largement sur l’horizon étoilé du continent.

Le président français a réaffirmé la nécessité d’une préférence européenne pour les lancements de satellites, c’est-à-dire pour Ariane 5, Vega et surtout la future Ariane 6. Un sujet qui a donné lieu à quelques tensions entre les pays européens partenaires.

Surtout Emmanuel Macron a tenu à ce que l’Europe « assume sa part de rêve » dans sa vision de l’espace. Avec un certain lyrisme, le président de la République a mis en avant la place de la recherche fondamentale dans le projet spatial européen en oppositions avec les acteurs privés du « New Space », « pour nous européen le modèle spatial viable n’est pas celui de l’exploitation, n’est pas celui de l’augmentation du nombre de tourismes spatiaux pour des milliers voire des millions de dollars, pas plus que le seul horizon est l’exploitation minière de la lune ». En réalité, les initiatives spatiales européennes privées et commerciales sont très vivement encouragées.

Enfin reste les grandes orientations : l’avenir de la station spatiale internationale, censée achever sa carrière en 2024, sans stations pour la remplacer, le retour la Lune, l’arrivée sur Mars. La Chine et les États-Unis ont déjà des projets bien arrêtés sur ces sujets, l’Europe doit encore prendre position. Comme le dit Emmanuel Macron, « L’agenda spatial est chargé ».