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Isabelle Stengers : « La science est balbutiante face aux enchevêtrements du vivant »

La philosophe considère, dans un entretien au « Monde », que la crise sanitaire a révélé l’incapacité du pouvoir politique et des « experts » à sortir de l’idéalisme de la croissance et à penser la réalité qui nous attend.

Propos recueillis par 

Publié le 19 juin 2020 à 13h54

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Isabelle Stengers est professeure de philosophie des sciences, retraitée de l’Université libre de Bruxelles. Après avoir longtemps étudié la construction des discours et des concepts scientifiques et les relations entre sciences et pouvoirs (L’Invention des sciences modernes, La Découverte, 1993), elle analyse les risques que l’idéal scientifico-capitaliste fait courir au vivant (Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2008) et s’engage dans un combat intellectuel pour une refondation des rapports sociaux et biologiques (Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle, La Découverte, 208 pages, 18 euros) à partir de la pensée du mathématicien britannique Alfred North Whitehead (1861-1947).

Que nous montre le coup d’arrêt provoqué par le virus sur la fragilité du système global de croissance ?

Le premier trait de l’événement pandémique est le rapport étonnant qu’il établit entre le local et le global. Bien qu’il ait partie liée avec les désordres écologiques que provoque l’exploitation tous azimuts du vivant et de son milieu, cet événement a pour point de départ une affaire hyper-locale : un être, qui n’existe que pour cette éventualité rare, rencontre un hôte accueillant, avec lequel, grâce auquel, il pourra participer à l’aventure de la vie.

Une telle rencontre est parfaitement contingente, même si les virus ne cessent de muter, c’est-à-dire d’en augmenter la probabilité. Mais elle a ouvert à celui-ci un destin étonnant, bien différent de celui de ses cousins, qui participent de manière plus ou moins pacifique à la vie de chauve-souris ou de pangolins. Ce qui, pour le virus, est l’accomplissement de sa vocation première et dernière, a réussi à susciter ce qu’a été incapable de provoquer une menace qui, elle, est globale et prévisible : celle du désastre climatique dont les signes avant-coureurs se multiplient aujourd’hui. Certes, des catastrophes se succèdent désormais, imposant le fait qu’il y a « comme un problème », mais il semble entendu que celui-ci devra se résoudre dans le respect de l’impératif de croissance. Quoi que ce soit d’autre est inconcevable. La réussite virale a pourtant provoqué l’inconcevable.

Il y a un contraste assez sidérant entre le désordre climatique, explicable, implacable et indifférent à ses conséquences, et le virus, prince de l’opportunisme, qui n’existe que grâce aux conséquences qu’il provoque, mais sans les expliquer. Car le virus n’explique pas les effets de la rencontre, et encore moins l’« arrêt » sinon du monde, en tout cas de tout ce que ce monde fait circuler. C’est bien plutôt ce monde qui s’est bloqué à son épreuve. Panique générale, sauf en Afrique, où les épidémies, on connaît.

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