Musiques interdites : Svevolod Zaderatski piétiné par l’Histoire

13/10/2022 | 06h21

Pour sa 17e édition, le Festival des musiques interdites poursuivait mardi soir, dans la salle Tomasi du conservatoire de musique de Marseille, sa salutaire entreprise de réhabilitation mémorielle. Il s’agissait d’une véritable résurrection.

Le compositeur ukrainien Svevolod Zaderatski est un de ces compositeurs laminés par l’Histoire, dont le nom mérite d’être remis à l’honneur. Les six premiers des 24 préludes et fugues témoignaient d’une richesse et d’une inventivité harmonique et rythmique étonnante. Des professeurs des conservatoires de la région (Marseille, Aix et Vitrolles) se sont attelés de façon exemplaire, avec un engagement total à rendre pleine justice à ce compositeur interdit. Sous la houlette du pianiste Vladik Polionov, Marine Blassel, Elsa Blanc, Olivier Lechardeur, Rémy Cardinale, Gilles Nïn se sont succédé au piano pour délivrer de sublimes pages qui attisent la curiosité, émeuvent et enchantent.

Envoyé au Goulag
de Kolyma

Qui est Vsevolod Zaderatski ? Né en 1891, dans une famille de la bourgeoisie intellectuelle ukrainienne, Zaderatski entre en 1910 au conservatoire de Moscou. Aux yeux des autorités soviétiques il commet deux péchés capitaux qui règleront son destin d’artiste. Il donne des cours de piano au Tsarévitch Alexeï et rejoint les rangs de l’armée blanche durant la guerre civile.

En 1926, il est arrêté et toutes ses œuvres sont détruites. Libéré en 1928, il est à nouveau arrêté en 1937 et envoyé au Goulag de Kolyma, l’un des pires qui soit. C’est dans des conditions effroyables qu’il compose avec des moyens de fortune et sans piano son cycle de 24 préludes et fugues, le premier après Bach.

Libéré en 1939, il poursuit sa carrière sous le joug des injonctions réalistes soviétique de Jdanov qui accuse de nombreux compositeurs de « formalisme en musique ». En 1949, il s’installe à Lviv, en Ukraine, où il enseignera au conservatoire. Il meurt dans la nuit du 1er février 1953 d’une crise cardiaque. Il faudra attendre les années 70 pour que sa musique y soit jouée sans censure des autorités. Une soirée, donc, pour conjurer les injustices de l’histoire.

Prochain concert Gustav Mahler « Les Chants d’un Compagnon Errant », Première Symphonie « De la Vie d’un Esseulé » ou « Titan » à l’Opéra de Marseille le 15 octobre à 20h.

Réservation https://opera.marseille.fr