Au Musée de Colmar, des couvercles de clavecins peints par des artistes contemporains

Au premier étage du Musée Unterlinden de Colmar, l’art contemporain et la musique ancienne s’entremêlent. Suspendues aux murs en pierre de cet ancien couvent, les maquettes des finalistes du concours de décors de clavecins s’étendent sur quelques mètres. "C'est extraordinaire parce qu'on voit des courants très différents, se réjouie Pantxika de Paepe, conservatrice de musée. Il y a les très abstraits, ceux qui ont choisi un mouvement très automatique lié à la musique, ceux qui se servent de la forme du clavecin et d'autres, au contraire, qui s'en éloignent." Ces six œuvres seront exposées dans la galerie de l'ancien couvent jusqu'au 12 décembre 2022.

Ce concours, dont la remise des prix a eu lieu le samedi 15 octobre, a été organisé par l'association Clavecin en France à l'occasion de l'exposition "Le chant des étoiles" de  Fabienne Verdier, l'artiste ayant elle-même réalisé des décors de couvercles pour le claveciniste Bernard Foccroulle. Au total, 95 artistes ont soumis leurs projets au jury. Un événement qui permet de raviver le lien historique entre l’art pictural et le clavecin. "L'art décoratif a toujours été consubstantiel à cet instrument, qui est aussi un meuble, explique Florence Gétreau, chercheuse émérite au CNRS à l'institut de recherche en musicologie. Dans les Flandres, les tout premiers instruments utilisent des papiers peints imprimés. Mais très vite, dès la fin du XVIe siècle, des maîtres peintres interviennent sur ces couvercles. Au XVIIIe siècle, des maîtres décorateurs étaient en charge de faire des projets de décor : on est à nouveau dans l'art décoratif. Et puis, au XIXe siècle, on fait beaucoup de faux XVIIIe puisqu'il y a un engouement pour cet art rococo."

"Je voulais représenter le son"

La lauréate Mathilde Jallot, est une jeune artiste de 25 ans. Elle remporte le concours avec un décor entièrement réalisé à la laque végétale japonaise. "Sur ce décor de couvercle de clavecin, j’ai vraiment essayé de représenter le son. Quand j'imagine le son, j'imagine des volumes qui évoluent, qui flottent. Avec la laque végétale japonaise, j'essaie de représenter des tâches de son qui s'agglomèrent et qui se superposent, qui viennent plonger dans la couleur. Ça fait comme un mouvement de flux. Souvent, les clavecins sont ouverts sur scène et j'imagine les sons qui viendraient s'écraser sur le couvercle", nous explique la jeune artiste qui repart avec la somme de 4 000 euros ainsi qu'une estampe de Fabienne Verdier. Elle doit à présent reproduire son œuvre sur un couvercle de l'association qui sera placé sur un clavecin utilisé pour des concerts, des stages ou des académies en France et à l’étranger.

"L’intérêt des peintres contemporains pour ce type d’instruments est très tardif. On le trouve en France, par exemple, à partir des années 1970, 1980 avec des artistes comme Chagall, explique Florence Gétreau. C'est formidable mais cela reste relativement assez rare." De rares commandes qui ancrent cet instrument ancien dans le XXIe siècle.

Flore Caron